[:fr][:fr]Entretien avec Matthieu carré : Paléoclimatologue au Pérou
contact : matthieu.carre@locean.ipsl.fr
Matthieu Carré est paléoclimatologue, chargé de recherche CNRS à l’UMR 7159 LOCEAN (Laboratoire d’Océanographie et du Climat : Expérimentations et Approches numériques), Paris. Son équipe VALCO (Variabilité à Long Terme du Climat et de l’Océan), composées de chercheurs du CNRS et de l’IRD, ainsi que de doctorants de l’Université Sorbonne Université, étudie les changements climatiques naturels du passé afin de comprendre les mécanismes du système Terre et d’offrir une perspective longue permettant d’évaluer le changement climatique anthropique.
Actuellement, Matthieu Carré est, grâce à l’IRD, affecté au Pérou comme professeur invité à l’UPCH (Universidad Peruana Cayetano Heredia) à Lima.
Matthieu, pourriez-vous nous parler du phénomène El Niño auquel vous avez consacré une partie importante de vos travaux ?
En effet, le phénomène El Niño et son comportement lors de changements climatiques passés est l’un de mes principaux sujets de recherche depuis ma thèse en 2005. Les évènements du type El Niño se produisent de façon irrégulière, et se traduisent par un réchauffement anormal du Pacifique Équatorial pendant 6 à 12 mois, provoquant d’importantes perturbations climatiques dans toute la ceinture tropicale.
Prévoir un possible changement d’intensité et de fréquence des évènements El Niño dans des conditions de réchauffement global est donc un enjeu important des sciences du climat et une question toujours ouverte. Le Pérou tient une place particulière dans ce contexte car il s’agit du pays le plus touché au monde par ces évènements dont les plus violents ont produit des élévations extrêmes des températures de la mer (jusqu’à 8°C au-dessus de la normale), causant une mortalité massive des espèces marines et des inondations catastrophiques.
L’histoire d’El Niño reconstituée d’après des archives paléoclimatiques comme des bivalves fossiles ou des sédiments marins montre que ce phénomène est passé par des périodes de basse activité (il y a 5 000 ans) et par des phases d’activité extrême (lors de la phase de réchauffement global du dernier interglaciaire, il y a 125 000 ans). Ces données permettent de comprendre les facteurs qui influencent El Niño et d’évaluer les performances des modèles climatiques utilisés à la fois pour simuler ces époques passées et prédire les changements futurs.
Campement dans le désert péruvien près du site fossilifère de Sacaco. De gauche à droite: Ali Altamirano, Rodolfo Salas, Mario Urvina, Cristian Soria, Walter Aguirre, Diana Ochoa, Matthieu Carré
Depuis combien de temps collaborez-vous avec le Pérou, quels sont les objectifs de cette coopération, comment prend-elle forme ?
Ma coopération scientifique avec le Pérou s’est renforcée et diversifiée en 2017 grâce à un programme visant à financer le retour des chercheurs péruviens expatriés pour développer de nouveaux axes de recherche coordonnés par des chercheurs internationaux. À partir de cette époque, j’ai enchainé les missions de longue durée à Lima pour animer, comme professeur invité à l’Université Péruvienne Cayetano Heredia, un groupe de six jeunes chercheurs autour de la thématique Climat, Paléoenvironnement et Biodiversité dans le système marin côtier du Pérou.
L’objectif de cette jeune équipe est d’étudier les liens entre l’écosystème et les variations océanographiques dans le système de courant de Humboldt sur une large gamme d’échelles de temps, depuis les origines géologiques au Miocène jusqu’aux changements anthropiques actuels. La mer du Pérou est en effet très particulière : les vents qui longent la côte provoquent la remontée des eaux profondes froides, chargées de nutriments, pauvres en oxygène et saturées en CO2. Ces eaux, parmi les plus productives du monde, sont une ressource économique immense mais elles sont aussi très menacées par la surpêche, l’acidification, les évènements El Niño. Les enjeux scientifiques sont donc stratégiques pour le pays mais ils sont également majeurs à l’échelle globale.
Le programme de retour de chercheurs péruviens est une opération relativement récente, s’inscrit-elle dans la tradition de coopération franco-péruvienne plus ancienne ?
Tout à fait. Cette coopération doit son succès aux fondements construits depuis trente ans par l’IRD en sciences de la mer, de la terre et du climat dans la région, au lien fort créé d’abord avec l’Institut de la Mer du Pérou (IMARPE) et à la contribution de l’IRD à la création et aux enseignements du programme de Master en Sciences de la mer à l’UPCH.
En 2019 j’ai demandé une mise à disposition à l’IRD et une affectation au Pérou pour consolider à la fois le groupe de recherche de l’UPCH et structurer la coopération entre le LOCEAN, laboratoire français d’expertise internationale en océanographie, dont les tutelles sont le CNRS, l’IRD et Sorbonne Université, l’IMARPE qui possède les moyens pour l’observation du système de Humboldt et l’UPCH, l’Université Péruvienne Cayetano Heredia qui forme les étudiants et futurs chercheurs.
Comment voyez-vous l’avenir pour cette coopération ?
Aujourd’hui, notre groupe de recherche à l’UPCH, qui encadre de nombreux étudiants, a remporté l’équivalent de 1.5M€ de financements publics de recherche dans un pays où ils restent très rares. Cela nous a permis de fonder deux nouveaux cursus universitaires (Biologie marine et Ingénierie aquacole), ainsi qu’inclure ce master dans un projet européen Erasmus Plus.
Si les jeunes chercheurs péruviens, qui ont pu bénéficier du Programme de retour que j’ai évoqué, sont recrutés en 2022 à des postes permanents comme nous l’espérons, ils constitueront un pôle de recherche clé en sciences de la mer au Pérou sur lequel les laboratoires français pourront compter à l’avenir.
Nous voudrions aussi rendre cette coopération, toujours plus forte et plus structurée, davantage visible sur le plan institutionnel grâce aux dispositifs de coopération internationale du CNRS et d’autres programmes.[:][:es]
Entrevista a Matthieu Carré
Contacto : matthieu.carre@locean.ipsl.fr
Matthieu Carré es paleoclimatólogo, investigador del CNRS en la UMR 7159 LOCEAN (Laboratorio de oceanografía y clima: Experimentos y enfoques digitales), París. Su equipo VALCO (Variabilidad a largo plazo del clima y el océano), compuesto por investigadores del CNRS y el IRD, así como por estudiantes de doctorado de la Universidad de la Sorbona, estudia los cambios climáticos naturales del pasado para comprender los mecanismos del sistema terrestre y ofrecer una perspectiva a largo plazo para el análisis del cambio climático antropogénico. Actualmente, gracias al IRD, Matthieu Carré es profesor visitante en la UPCH (Universidad Peruana Cayetano Heredia) en Lima, Perú.
Matthieu, ¿podría hablarnos del fenómeno de El Niño, al que ha dedicado una parte importante de su trabajo?
El fenómeno de El Niño y su comportamiento durante los cambios climáticos del pasado han sido uno de mis principales temas de investigación desde mi tesis de doctorado, defendida en 2005. Los episodios de El Niño se producen de forma irregular, provocando un calentamiento anormal del Pacífico ecuatorial durante 6 a 12 meses, y causando importantes trastornos climáticos en todo el cinturón tropical. La predicción de un posible cambio en la intensidad y frecuencia de los fenómenos de El Niño en un contexto de calentamiento global es, por ende, una cuestión importante para la ciencia del clima, que permanece abierta. Perú ocupa un lugar especial en este contexto, ya que es el país más afectado por estos fenómenos, muchos de los cuales han producido subidas extremas de la temperatura del mar (hasta 8° C por encima de lo normal), lo cual ha provocado una mortalidad masiva de especies marinas e inundaciones catastróficas.
La historia de El Niño reconstruida a partir de registros paleoclimáticos como los bivalvos fósiles y los sedimentos marinos muestra que el fenómeno pasó por periodos de baja actividad (hace 5.000 años) y de actividad extrema (durante la fase de calentamiento global del último período de interglaciación hace 125.000 años). Estos datos permiten comprender los factores que influyen en El Niño y evaluar el rendimiento de los modelos climáticos utilizados tanto para simular estos períodos pasados como para predecir los cambios a futuro.
Campamento en el desierto peruano cerca del yacimiento de fósiles de Sacaco. De izquierda a derecha: Ali Altamirano, Rodolfo Salas, Mario Urvina, Cristian Soria, Walter Aguirre, Diana Ochoa, Matthieu Carré
¿Desde cuándo colabora con Perú, cuáles son los objetivos de esta cooperación y cómo se está concretando?
Mi cooperación científica con Perú se reforzó y diversificó en 2017 gracias a un programa destinado a financiar el regreso de investigadores peruanos expatriados para desarrollar nuevas líneas de investigación coordinadas por investigadores internacionales. Desde entonces, he realizado misiones de larga duración en Lima para dirigir, como profesor visitante de la Universidad peruana Cayetano Heredia, a un grupo de seis jóvenes investigadores en torno al tema Clima, paleoambiente y biodiversidad en el sistema marino costero peruano.
El objetivo de este joven equipo es estudiar los vínculos entre el ecosistema y las variaciones oceanográficas en el sistema de corrientes Humboldt en un amplio rango de escalas temporales, desde los orígenes geológicos en el Mioceno hasta los cambios antropogénicos actuales. En efecto, el mar peruano es muy particular: los vientos de la costa provocan la subida de aguas profundas frías, cargadas de nutrientes, pobres en oxígeno y saturadas de CO2. Estas aguas, que se encuentran entre las más productivas del mundo, son un importante recurso económico, pero también son muy vulnerables a la sobrepesca, la acidificación y los fenómenos de El Niño. Por tanto, las investigaciones científicas en torno a estos problemas son estratégicas para el país, pero también son importantes a escala mundial.
El programa de repatriación de investigadores peruanos es relativamente reciente. ¿Se inscribe en la tradición más antigua de la cooperación franco-peruana?
Por supuesto. Esta cooperación le debe su éxito a las bases establecidas hace treinta años por el IRD en materia de ciencias del mar, de la tierra y del clima en la región, al fuerte vínculo creado primero con el Instituto del Mar del Perú (IMARPE) y a la contribución del IRD a la creación y a la enseñanza del programa de maestría en Ciencias del Mar en la UPCH.
En 2019 solicité una comisión de servicio en el IRD y una misión en Perú para consolidar el grupo de investigación de la UPCH y estructurar la cooperación entre el LOCEAN, el laboratorio francés de peritaje internacional en oceanografía, cuyos socios son el CNRS, el IRD y la Universidad de la Sorbona, el IMARPE, que dispone de los medios de observación del sistema de Humboldt, y la UPCH, la Universidad peruana Cayetano Heredia, que forma a estudiantes y a futuros investigadores.
¿Cómo ve el futuro de esta cooperación?
En la actualidad, nuestro grupo de investigación en la UPCH, que supervisa a muchos estudiantes, ha obtenido el equivalente a 1,5 millones de euros de financiamiento público para la investigación en un país en el que este tipo de financiamientos siguen siendo muy escasos. Esto nos ha permitido poner en marcha dos nuevas carreras universitarias (Biología Marina e Ingeniería Acuícola), así como también incluir la maestría en el proyecto europeo Erasmus Plus.
Si los jóvenes investigadores peruanos que se beneficiaron del Programa de Retorno que mencioné son contratados en 2022 para puestos permanentes, como esperamos, constituirán un centro de investigación clave en ciencias marinas en Perú en el que los laboratorios franceses podrán apoyarse en el futuro.
También queremos que esta operación conjunta, cada vez más fuerte y estructurada, sea más visible a nivel institucional gracias a los acuerdos de cooperación internacional del CNRS y otros programas.
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